FluentTM est une méthode innovante d’analyse des flux domicile-travail, conçue pour transformer les données brutes en leviers d’action concrets pour les territoires.
Dans un précédent article, nous avons mis en évidence que près de 104 000 trajets domicile-travail sont effectués en lien avec le PETR du Grand Beauvaisis. 87 % d’entre eux s’effectuent en voiture, générant environ 126 000 tonnes de CO₂ par an.
Aujourd’hui, nous nous penchons sur les flux sortants, et sur ce qu’ils révèlent via la méthode Fluent™ :
- Ils représentent près de la moitié des émissions de CO₂ des trajets domicile-travail du PETR ;
- Ils illustrent une double dynamique territoriale :
- un bassin de vie étendu,
- et une forte attractivité de l’Île-de-France (27 % des sortants, 40 % des cadres sortants).
Une concentration extrême de l’usage des transports en commun vers la Métropole du Grand Paris
Le graphique ci-dessous montre une constante : la voiture reste le mode dominant, quel que soit le type de flux (entrant, sortant ou interne).
Toutefois, une exception émerge : les navetteurs sortants présentent un pic significatif d’usage des transports en commun (TC).
Parmi les 26 000 navetteurs sortant du territoire :
- 27 % se dirigent en région Île-de-France ;
- 3 000 d’entre-eux utilisent les TC (12 % de l’effectif),
- parmi ces usagers des TC :
- 72,2 % vont vers la Métropole du Grand Paris (MGP)
- 5 % vers l’ÎdF hors MGP.
- 22,8 % vers le reste (Hauts-de-France & autres régions).

77 % des trajets en TC partant du PETR sont captés par l’Île-de-France, quasi exclusivement par la MGP.
Plus précisément, 6 EPCI concentrent à eux seuls 90 % de ces flux en TC, et 11 EPCI en captent 95 % :
MGP, Creil Sud Oise, Amiens Métropole, Thelloise, Sablons, Aire Cantilienne, Compiègne, Val Parisis, Roissy, Plaine Vallée, Plateau Picard.

La moyenne : une dangereuse illusion d’équilibre
Dire que 12 % des flux sortants s’effectuent en TC est une statistique correcte… mais trompeuse. Derrière cette moyenne, de profondes disparités apparaissent. Pour les trajets à destination de l’Île-de-France :
- 33 % des trajets sont réalisés en TC,
- ce chiffre grimpe à 54 % pour ceux à destination du Grand Paris.
Dès que l’on sort de la MGP, la voiture redevient ultra-majoritaire.
La proximité géographique avec Paris ne garantit donc ni équité modale, ni accessibilité universelle.
La multimodalité reste un privilège spatial et social
Plus frappant encore : les disparités sociales au sein même des flux vers le Grand Paris.
Même à destination de la zone la mieux desservie de France en TC, les inégalités d’accès aux TC persistent

Le plus marquant est que cette tendance, que l’on pourrait penser spécifique aux trajets à destination de l’IDF, se confirme également à l’échelle de l’ensemble des flux sortants.
Ces écarts deviennent encore plus importants, de telle sorte que les cadres prennent :
~3,4× plus les TC que les artisans (20,5 vs 6 %)
~2× plus que les ouvriers (20,5 vs 10,5 %)
~2,1× plus que les PI (20,5 vs 9,9 %)
~1,3× plus que les employés (20,5 vs 15,3 %)
Il est donc important, voire même essentiel, de regarder l’inégalité sociale d’accès aux transports collectifs. Même à destination de Paris intra-muros, où l’offre de transports collectifs est la plus dense, une large part des ouvriers et des professions intermédiaires utilisent la voiture : respectivement 59 % et 50 %, contre 39 % chez les cadres.
Même à offre égale, l’accès réel à la multimodalité reste profondément inégalitaire :
Même pour aller à Paris (MGP), là où les lignes RER sont légion, un ouvrier sur deux prend sa voiture.
Pas par plaisir. Par nécessité.
Dépasser les moyennes, c’est ancrer la mobilité dans le réel
Ce que nous montre ces données, c’est l’existence d’un déficit structurel d’adéquation entre l’offre de transport en commun et :
- les profils d’usagers,
- et les réalités du travail (horaires, multi-sites, secteurs excentrés).
Les moyennes globales cachent des inégalités modales structurelles selon la catégorie socioprofessionnelle, invisibilisées par les analyses traditionnelles.
Les diagnostics classiques invisibilisent ces écarts.
L’analyse par CSP révèle une inégalité d’accès aux alternatives à la voiture : la multimodalité est un prisme de lecture sociétal à la croisée entre espace vécu, disponibilité en infrastructure et phénomène de métropolisation. Sans des outils et des analyses affichant ce niveau de détail, nous risquons d’orienter les politiques de mobilité vers les usagers les mieux représentés… pas vers ceux qui en auraient le plus besoin.
La promesse de Fluent™
C’est précisément ici que la méthode Fluent™ prend tout son sens. Elle permet de :
- segmenter les flux par type (entrant, sortant, interne), CSP, âge ou profession ;
- évaluer leur impact carbone (voir mon premier article) ;
- localiser les leviers d’action, en dépassant les moyennes globales.
Aujourd’hui, le besoin de renouveler nos usages en termes de diagnostics mobilité est devenu une nécessité.
Quels horizons pour l’aménagement du territoire ?
En tant que géographe, mais aussi habitant concerné, je souhaite conclure cet article par une question ouverte.
Chaque grand projet d’infrastructure dans un contexte budgétaire contraint, impose un arbitrage : faut-il renforcer / maintenir l’existant ou développer de nouveaux services ? En région Hauts-de-France, des chantiers comme le canal Seine-Nord-Europe, la réfection de la N2 (axe Laon–Soissons) ou encore les extensions du Grand Paris Express illustrent ces tensions entre politiques de métropolisation et besoins locaux.
Dans cette dynamique, quel avenir pour les territoires ruraux et périurbains, à l’heure où chacun cherche à adopter des mobilités plus sobres et plus équitables ?
La réponse dépendra de notre capacité collective à dépasser les moyennes et à regarder les mobilités pour ce qu’elles sont : profondément sociales et territoriales.
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